Dr olivia bally-joubert
Pourquoi oncologue ?
La médecine est une histoire familiale. Mes grands-parents étaient médecins, mes
parents également, et c’est dans les valeurs du soin apporté à autrui que j’ai toujours vécu. C’est donc assez naturellement que je me suis tournée à mon tour vers la médecine, portée par l’envie de me rendre utile.
J’ai choisi l’oncologie car elle est la spécialité qui crée un lien particulièrement fort entre un patient et son médecin. Par nature, les maladies chroniques instaurent une relation durable qui donne, selon moi, tout son sens à mon métier. Accompagner dans le temps les patients, à la fois dans les situations difficiles et leurs victoires, répond à mon souhait initial d’être au service des personnes. C’est ainsi que je me suis toujours sentie à ma place à l’hôpital, et plus encore au sein des services de cancérologie.
J’ai fait mes armes au Centre León Berard, en apprenant auprès de médecins brillants, scientifiquement et humainement. Je leur dois le médecin et la femme que je suis aujourd’hui.
Après 3 années comme Chef de clinique, j’ai rejoint l’équipe de l’Hôpital privé Jean Mermoz et aujourd’hui celle de l’Infirmerie protestante. Mon statut de médecin libéral est avant une chance qui me permet de mettre en place une organisation et une approche au service des patients.
Le moment de l’annonce est toujours difficile. Je m’impose plusieurs choses pour qu’une relation de confiance s’installe : se regarder droit dans les yeux, être au même niveau, prononcer les mots « cancer » et « métastases », s’il y en a. Pour que la relation soit claire au départ, il faut que le patient ait entendu les mots-clés. Même si je sais qu’à partir de ce moment-là, la consultation sera forcément différente. Je ne donne jamais de statistiques car c’est complètement théorique ; les patients ne sont pas des statistiques.
Souvent, il y a cette première consultation où les mots sont prononcés puis, je revois vite la personne pour une seconde consultation : il y a un bilan à faire, un scanner à prévoir, la pose du PAC, etc. Cette deuxième consultation est aussi une consultation d’annonce où l’on va reprendre avec le patient ce qu’il a entendu et compris. Nous allons alors construire les choses ensemble, nous allons avancer dans notre histoire thérapeutique, de traitement.
On est là pour avancer, pour y croire, il ne faut pas qu’il y ait trop d’affect de ma part. Je dois pouvoir leur dire « vous pouvez pleurer, allez-y si vous avez besoin pleurer », mais je ne peux pas pleurer avec eux. Même s’il m’est déjà arrivé de fermer la porte puis de pleurer une fois le patient sorti du cabinet…
En général, nous prévoyons de nous revoir très peu de temps après. Lorsqu’on est dans le creux de la vague, le fait de proposer un plan rassure le malade d’être dans l’action. C’est une action imposée par la maladie… Je pense que c’est important de pouvoir se poser, se laisser guider dans cette phase-là. Et après, avec le temps on remonte la pente, on refait le point sur les objectifs de traitement, sur le déroulement. Je pense que le patient reprend les choses en main à ce moment-là. C’est délicat pour les patients qui viennent seuls. Je me demande toujours qui ils vont voir en sortant du cabinet, que vont-ils faire de leur journée… ?
Un message absolument clé et essentiel : « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». Même si cela peut paraître un peu banal, c’est vrai !
Au quotidien je conseille vivement l’activité physique. Je précise toujours qu’il y a plein de petites choses à faire pour se sentir mieux, notamment tout ce qui est méditation, yoga, etc. Il n’y a pas de petits moyens pour aller mieux ! La chose pas très cartésienne que j’apprécie particulièrement est la méditation et l’admiration de la nature. Se poser dans son jardin et regarder ses fleurs. Prendre conscience de son environnement, admirer le ciel. Ça parait idiot mais ça diminue clairement le stress ! Les traitements sont alors mieux vécus et la personne est mieux.
Le patient ne vit pas sa maladie, il vit sa vie. C’est très important qu’il y ait un équilibre pour que la place que prend le médecin et sa chimio ne soient pas les seules choses qui rythment la vie quotidienne du malade.
Les patients ne peuvent pas continuer à vivre leur vie « normalement » mais ils peuvent l’adapter pour continuer à faire tout ce qu’ils ont envie de faire. Des patients me disent « on ne part pas en vacances car j’ai ma chimio », alors je leur réponds que « ce n’est pas plus compliqué de trouver une infirmière là-bas qu’ici ». Alors oui, on continue de vivre sa vie, qui est forcément rythmée par autre chose.
Surtout accepter l’aide et ne pas hésiter à la demander. Que ce soit l’aide du corps médical et surtout celle de la tribu. Beaucoup de gens vivent leurs ressentis seuls et n’osent pas demander d’aide. Dès lors, leur moral est bien moins bon et ils supportent moins bien les traitements.